Cela faisait désormais plusieurs semaines que Nyx élaborait cette petite stratégie. Elle n’en avait pour l’instant parlé à personne, même pas la principale concernée. Mais ce soir, ça allait changer. Elle avait des indices sur un potentiel réseau criminel. Elle n’avait aucune idée de sa taille ni même le détail de ses méfaits, donc difficile d’y envoyer la garde tête baissée. C’est pour cela qu’elle avait eu sa petite idée. En piéger pour les prendre la main dans le sac, avec un appât. Et pour ça, qui de mieux que son amante et ministre de la culture, à savoir la grande Haru ? Ça justifiait des récompenses alléchantes.

  Tout semblait parfait, à un détail près. Il restait encore à demander son accord à l’appât. Et pour cela, la ministre de la justice savait exactement comment faire. Elle avait enfilé une de ses plus belles robes, une dont elle savait qu’Haru aimerait. Un petit sac assorti pour y mettre les quelques accessoires dont elle avait besoin, un maquillage léger mais précis et hop, on était partis. Oh et puis bien sûr son collier. Elle l’avait acquis il y a peu de temps, elle ne l’avait pas encore montré ou testé sur Haru. Pour sûr elle risquait de mal le prendre si elle s’en servait pour la tourmenter, même gentiment, mais Nyx avait bien d’autres idées pour en tirer avantage.

  Arrivant devant le domaine, elle franchit le portail, profitant de la vue du jardin alors que le Soleil n’était plus très haut dans le ciel. Les journées commençaient à raccourcir, le solstice était derrière nous. Arrivant à la porte, elle frappa délicatement sans s’annoncer, prête à se jeter aux lèvres de la maîtresse des lieux à l’instant où elle ouvrirait, enfin si tant est qu’elle ouvre elle même et pas sa gouvernante ou sa pupille.

  Ce fut bien Haru qui ouvrit la porte et Nyx ne se gêna donc pas pour annoncer sa présence comme il se devait. Son amante ne manqua d’ailleurs pas de la complimenter sur sa tenue, comme elle pourrait s’y attendre, non sans omettre une petite remarque lubrique. Après tout, ce n’était plus à cet âge là qu’on se refaisait vraiment, ce genre d’habitude resterait sûrement.

  "Je dois forcément avoir une raison pour ça ? A croire que tout était prémédité. C’est pour ce genre de personne que tu veux me faire passer ?!"

  Nyx faisait une fausse moue en entrant. Nul doute que l’autre ministre verrait facilement au travers et ne se ferait pas avoir, mais comme dit précédemment, on ne se refait pas. Elle entra alors et se laissa guider par son hôte jusqu’au salon qu’elle commençait à bien connaître. Il faut dire qu’il s’était passé pas mal de choses ici en assez peu de temps. Surtout sur ce fameux canapé qui n’était plus à présenter.

  "Fais moi ton thé, et je mangerai ce que tu voudras, surprend moi."

  Ayant usé de l’impératif, son collier s’activa naturellement. Si Haru y répondait, elle ressentirait alors une petite sensation de bien-être supérieure à la normale. Pendant ce temps, Nyx prit ses aises sur le canapé, croisant les jambes et déposant son sac à ses pieds, en appui contre celui-ci. Cela faisait un bien fou d’enfin se poser. Nyx ferma les yeux un instant et profita du calme ambiant jusqu’à entendre Haru revenir, reprenant alors une position légèrement aguicheuse mais pas non plus vulgaire.

  "Oh tu sais, moi ça me va très bien. Après tout c’était un peu le but, sinon la surprise aurait été pour moi."

  Elle lui parlait sur un ton mielleux. Elle aimait définitivement avoir l’ascendant psychologique, même sur des détails aussi légers que ceux-ci et avait tout fait pour. Après tout, Haru aurait pu se changer avant de revenir pour tenter de rattraper un petit peu l’écart mais elle ne l’avait pas fait. Tout ça ne ferait que faciliter la "négociation" à venir.

  "En réalité si je suis venue, c’est aussi en partie parce que j’avais quelque chose à t’annoncer. J’ai eu une idée pour tenter d’identifier un groupe criminel. Il se pourrait que je parvienne à faire circuler une fausse demande criminelle pour les piéger. L’idée ce serait d’avoir une cible importante, avec une grande richesse extérieure pour avoir un bon appât. Par exemple une ministre avec un grand domaine, qu’est-ce que tu en penses ?"

  A ce stade, Haru devrait avoir compris qu’il s’agissait d’elle. En parlant d’appât, Nyx faisait exprès de laisser penser qu’elle songeait à demander une agression, voire un meurtre. De ce fait, en annonçant que ce ne serait qu’un vol, elle espérait la mettre en condition pour qu’elle accepte plus facilement. Elle reprit alors après un petit temps d’arrêt.

  "Si tu veux les détails, embrasse-moi ~"

  Usant encore de l’impératif couplé à une action qui devrait en elle même déjà procurer du plaisir à la dame, Nyx ne faisait qu’augmenter ses chances d’accepter, en l’influençant pour que ses potentielles hésitations basculent plus facilement du côté qui l’arrange.

  La soirée était déjà intéressante. Si Haru répondait à chacune de ses demandes, cela pourrait vite dégénérer, enfin pas d’une mauvaise façon cela dit. Nyx profitait donc des douceurs rapportées par son amante, ainsi que de la vue de cette dernière. Certes elle n’était pas sur son trente-et-un, mais elle n’avait nullement besoin de ça pour être délicieuse au regard. A sa demande presque rhétorique, elle répondit d’un simple hochement de tête, ayant la bouche pleine.

  En parlant de bouche pleine, celle d’Haru approchait délicatement de la sienne, répondant une fois de plus à son appel. Un doux baiser dans lequel on sentait l’effort fourni par la dame afin de se retenir. De son côté, Nyx ne se gênait pas pour la tenter le plus possible, un véritable petit diablotin. Mais la ministre de la culture semblait vraiment vouloir les détails de son plan machiavélique.

  "Tu devrais savoir que si tu poses la question je suis tentée de prendre ce que tu me proposes. Mais pour une fois je vais être sage. Donc l’idée c’est de planquer un document important dans ton bureau."

  Nyx ouvrit alors son sac pour en saisir le carnet animé d’une âme artificiel dont elle avait récemment fait l’acquisition. A première vue, il n’avait rien de différent d’un carnet normal jusqu’à ce qu’elle l’ouvre, une petite voix nonchalante se faisant entendre.

  "B’jour m’dame"

  Pour ce qui est du contenu, il était pour le moment totalement vide.

  "Je te présente un nouvel ami. L’âme artificiel pourrait se révéler utile par la suite. Pour ce qui est de l’importance du document, on ne devrait pas avoir trop de mal à le remplir de fausses informations. Par contre le pauvre petit n’a pas encore de nom, donne-lui en un si tu veux."

  Encore une injonction, à croire que toute cette histoire de nom avait été préméditée pour optimiser le pouvoir de son bijou. C’était même sûrement le cas, mais ce n’était pas le sujet principal. Nyx referma puis déposa délicatement le carnet sur le plateau avant de reprendre

  "Il suffira ensuite d’amorcer un piège pour activer un cadre magique à l’ouverture de la porte et le tour est joué, on a notre vict…. euh notre criminel. Ensuite il suffit de remonter jusqu’à notre ami de papier qui pourra nous donner de nombreuses informations intéressantes sur ce qu’il s’est passé lors de son petit voyage."

  Nyx prenait un petit air fier, un petit peu surjoué, comme une enfant qui attendait des compliments sur son horrible dessin.

  "Dis-moi ce que tu en penses."

  Oui, toujours les tournures de phrase bien choisies.

  La réaction de son amante à la vue, ou du moins à l’écoute du carnet était amusante. Tout comme ce nom choisi avec, paraissait-il, autant d’assurance. Son collier semblait faire son effet sur la dame, au plus grand plaisir coupable de Nyx. Après, vu la relation qu’elle entretenait avec Haru, elle était loin d’être la plus difficile à tourmenter de la sorte, mais c’était un bon point de départ pour l’essayer.

  En tout cas elle devenait de plus en plus tactile, et la ministre se demandait quand elle allait craquer. En tout cas se demandait si elle allait craquer n’était même plus d’actualité. Surtout la connaissant, elle savait que ce n’était qu’une simple question de temps. En plus elle était fatiguée, ça ne la rendait que plus vulnérable à ses charmes. Il fallait dire qu’elle ne cachait même plus ses regards lubriques la bougre. De son côté, Nyx était loin d’être insensible aux charmes naturels de son amante, et encore moins de ses petites attention, ses caresses, son parfum, ses mirettes, ses… Une fois que cette petite affaire serait réglée, nul doute que le reste de la soirée serait haute en couleurs.

  "C’est possible, mais pas à ma connaissance. De toute façon je ne m’attend pas à attraper un commanditaire avec tout ça, juste un de ceux qui exécute ce genre de tâche pour gagner de l’argent. Mais une fois qu’on l’aura sous le coude, il sera toujours temps de lui faire cracher quelques vérités."

  Nyx pouvait être assez effrayante quand elle le souhaitait. Il faut dire qu’elle aurait pu être un obstacle notable pour le gouvernement si elle avait décidé de lutter contre. Mais bien heureusement, elle était dans le bon camp, donc il n’y avait pas de réel soucis à se faire.

  En parlant de danger, Nyx rapprocha à son tour son visage de celui de son amante qui s’en était éloignée quelques secondes plus tôt. Cependant, pas de baiser ou autre geste tendre. Elle s’approcha lentement de son oreille pour lui susurrer quelques mots.

  "Il y a quelque chose que j’aimerai beaucoup que tu fasses. Accroupis-toi et aboie."

  Elle le disait avec autant de sérieux que de douceur, caressant doucement sa joue pour la mettre dans les meilleures conditions qu’il soit. Elle testait les limites de ce nouveau pouvoir qu’elle tentait d’apprivoiser. Elle se disait que même son état actuel n’était pas suffisant pour qu’elle cède, elle ne devrait pas trop lui en tenir rigueur. Après ça, elle lui révélerai sûrement le pot aux roses. Ce serait cruel de sa part de continuer davantage. Mais au pire des cas Haru se vengera pour cette vilaine tourmente, il fallait avouer que c’était plus que tentant en s’attendant à ce qu’il n’y ait presque pas de représailles. C’est dans ce genre de moments qu’elle pouvait comprendre ce que pouvaient ressentir certaines personnes à faire le mal. Elle ne les excusaient cependant pas pour autant. Au contraire, ne pas être capable de se contrôler face à cette tentation était une preuve de faiblesse d’esprit. Un visage d’ange pour cacher un esprit passablement pervers, voilà ce qu’était Nyx. De plus, avec son pouvoir, le rapprochement avec ces créatures folkloriques que sont les succubes était d’autant plus troublant et convainquant. Heureusement, elle n’avait encore connaissance d’aucune personne l’appelant de la sorte, ce qui serait mauvais pour son image de ministre.

  "Je t’aime Haru."

  Elle affichait sur son visage toute la bienveillance et l'honnêteté qu’elle avait en réserve. Après tout elle n’était pas là pour lui faire du mal, juste profiter d’une si belle occasion pour lui jouer un vilain tour.

  La tension était pour ainsi dire à son comble chez Nyx, qui n’avait pas apporté plus de précisions à l’interrogation de son amante. Heureusement pour elle, le pression redescendit en même temps qu’Haru, s’accroupissant devant elle et laissant entendre son plus bel aboiement. Ça avait fonctionné ! Pendant ces quelques instants, la ministre de la justice se sentit toute puissante, une sensation enivrante qui la ferait presque passer pour un antagoniste de ses propres romans d’enquête. Et pourtant, il y aurait tellement plus à faire : lui faire donner la patte, lui faire tirer la langue, lui mettre une laisse… Non ! Elle devait cesser de penser à ça, elle s’était promise d’arrêter après ce coup-ci. Cela dit Haru avait triché avec ces yeux, elle le voyait bien, elle méritait une petite vengeance… Non, non et non, décidément non. Résister à tout ça était en quelques sortes sa part du marché, elle ne devait pas faillir.

  Voir cette jolie femme face à elle avoir l’air aussi perdue avait quelque chose d’attendrissant. Malheureusement cela ne dura pas bien longtemps, mais cela dit Nyx ne perdait pas vraiment au change, réceptionnant les lèvres de celle venant d’aboyer. Heureusement, elle n’avait pas eu l’idée de lui donner des coups de langue sur le visage, ce serait devenu passablement étrange.

  "Toutes les couleurs ? C’est bien possible, qui sait ce que l’avenir réserve ?"

  Sûrement quelques personnes en réalité, mais ce n’était pas la question. Elle passa alors ses mains dans le dos d’Haru pour retenir virtuellement alors qu’elle lui grimpait dessus. Elle savait bien que de toute façon elle passerait plus de temps penchée vers elle qu’en arrière, mais l’intention était là.

  "Des surprises ? J’aurais bien autre chose à dire mais toi d’abord, j’ai hâte de savoir ce que tu as."

  Avec Haru si bien installée sur elle, elle ne pouvait qu’être contente d’être une femme, sans quoi son excitation du moment aurait bien rapidement été trahie. Et à voir l’air de cette dernière, elle n’était pas au bout de ses peines de ce côté là. Cela en disait long sur les surprises à venir, qui devaient sûrement être improvisées sur l’instant. Elle acquiesça d’abord à son évocation de cette fameuse soirée il y a quelques temps. Elle ne savait pas vraiment où elle voulait en venir, préférant se remémorer cet instant délicieux.

  Puis vint la révélation. Elle allait déménager au quatrième étage de l’aile des ministres ? La nouvelle était quelques peu… décevante à vrai dire. Était-ce une façon de lui faire baisser sa garde avant une réelle annonce ? En tout cas elle ne se ferait pas avoir, même avec cet énième baiser.

  "Et bien..."

  Puis elle se tut, réalisant son idiotie. Elle comprit alors le lien avec sa première phrase lorsqu’elle repensa au début de cette soirée, c’est vrai qu’il y avait eu une discussion avant. Elle essaya alors de cacher un petit rictus, se moquant surtout d’elle même en silence pour le coup.

  "Depuis le temps que je rêvais de me taper ma chef, ce n’est pas si grave si elle a pas la même tête."

  Elle lui tira la langue, taquine, avant de s’approcher vivement de son visage pour lui coller une légère léchouille sur la joue.

  "Félicitations. Pour quelqu’un qui ne se sentait pas à la hauteur du m’as l’air de bien t’en sortir. Par contre si tu crois que ça te donnera un passe droit au lit, tu es bien naïve."

  C’était la règle après tout : ne jamais mélanger vie privée et travail. Bon ok là c’était un petit peu raté, mais on arrondissait les angles où on pouvait, et surtout où ça nous arrangeait.

  "Mais puisque tu es ma chef, je me dois de te l’avouer désormais..."

  Au lieu de rapprocher son visage cette fois-ci, elle remonta délicatement ses bras dans le dos d’Haru jusqu’à les croiser derrière sa nuque et l’attirer doucement à elle, afin de l’enlacer. Elle posa alors son menton sur son épaule, afin d’avoir une place de choix à proximité de son oreille, la même qui avait entendu son précédent ordre.

  "Tu as sûrement dû remarquer mon collier, c’est la première fois que je le porte. Eh bien, si tu as reçu un quelconque plaisir, une quelconque satisfaction à aboyer, c’est sa faute. Si tu en doute, recommence."

  Il restait plus qu’à espérer qu’elle ne s’en formalise pas trop. Dans le pire des cas elle avait qu’à se venger, après tout elle était sa supérieure désormais.

  Un très bon test ? La dompter ? Elle n’avait honte de rien celle là. Pour le moment, c’était surtout le contraire qui était en train d’arriver, c’était bien mal parti pour elle. Cela dit elle allait bientôt s’en rendre compte puisque Nyx lui révéla le pot aux roses. Sa réaction ne se fit pas attendre.

  "Et alors ? Qui va venir m’arrêter ? La garde ? Tu comptes prévenir la reine ? Si tu veux m’arrêter toi même il va falloir employer la force..."

  Elle le disait sur un ton joueur, un poil provocateur. A moins qu’elle ne lui ait caché quelque chose jusqu’alors, sur le plan physique Haru n’avait aucune chance contre Nyx, et pourtant elle n’était pas spécialement un exemple de musculature non plus. En tout cas la première ministre semblait comprendre dans les grandes lignes le fonctionnement de ce bijou. Après tout elle n’avait pas obtenu ce poste en étant totalement candide, heureusement.

  "Peut-être que si tu cries assez fort, l’ordre fonctionnera, mais pas grâce à ça."

  Elle se redressait alors pour récupérer un contact visuel avec son amante. Il n’y avait bien entendu pas que ses yeux qui l’intéressait, l’entièreté de son corps était tentant. Ça donnerait presque envie de militer pour l'esclavagisme une femme comme elle. La justice et ses idées d’égalité, franchement, qui s’occupait de ça ? Ah oui, c’était elle-même.

  "Tout de suite les grands mots. Ça peut aussi être un conseil, une demande, un souhait… Je ne suis pas un monstre non plus. Mais si tu souhaites fêter ta promotion comme il se doit, on devrait inviter tous tes collègues, peut-être même le roi et la reine..."

  Elle rentrait dans son jeu. Elle comprenait très bien le sous entendu, mais si elle sautait directement sur l’occasion elle ne serait pas Nyx, actuelle ministre de la justice ! Pourtant, ce n’était pas l’envie qui manquait, bien au contraire. C’était toujours le même petit jeu de la tentation entre elles. Les mains de la ministre parcourait le dos de sa supérieure pour la tenter d’avantage. Cependant, elle sentait aussi les limites de son contrôle arriver à grands pas. L’une de ses mains remonta alors jusqu’à l’arrière de sa tête, passant ses doigts délicatement dans sa chevelure, le bras à la verticale toujours dans son dos. Elle la dévorait du littéralement du regard.

  "Après si tu insistes… Tu devrais avoir honte d’être aussi provocante tu sais ? J’espère que tu n’es pas toujours comme ça au travail..."

  C’était trop pour Nyx qui finit par abandonner soudainement toute retenue. Prenant sa forme bestiale, elle se pencha alors vivement en avant pour emporter son amante avec elle et la faire tomber au sol. Heureusement, son bras placé dans son dos était là pour amortir le choc et protéger sa tête. Peu importe l’intensité de la flamme qui l’animait, elle était tout de même là pour lui donner du plaisir, pas pour la blesser. Par réflexe, une sorte d’instinct qu’elle avait développé en activant son pouvoir, elle commençait à imprégner la pièce de celui-ci, au cas où. Pendant ce temps, sur le sol, elle avait déjà pris d’assaut les lèvres de sa conquête. Cette fois, il n’était pas question de simplement rééditer une scène de ses bouquins. Elle avait des idées nouvelles, des scènes inédites et elle avait justement la fougue, l’énergie et la passion nécessaires pour les réaliser. Tout ça risquait d'être haut en couleur, elle ne lui laisserait pas une seconde de répit.

  Son amante était trop curieuse. Si elle lui révélait tout ce qu’elle comptait lui faire, ça perdrait tout son intérêt. De toute façon, vu comment c’était parti, elle n’allait pas tarder à s’en rendre compte. Quand à son aile, eh bien cette question n’avait pas réellement de vraie réponse : ça avait toujours été comme ça et pas autrement. Cependant, la ministre prit tout de même la peine de lui donner une réponse, tout en la dévorant des yeux.

  "Si j’en avais deux, je n’aurais pas besoin de toi pour voler jusqu’au septième ciel."

  Une remarque à la fois charmante et salace. Remarque qu’elle n’avait pas du tout imaginé à l’avance il y a quelques temps de cela, non, ce n’était pas le cas, vous n’en douteriez tout de même pas, si ? Mais bref, l’ambiance actuelle n’était pas à la plaisanterie. Voir cette femme la taquiner, la tenter ainsi la laissait sans défense, elle ne pouvait pas résister. Sa main, caressant les courbes de la première ministre de bas en haut, s’arrêta à hauteur de son col.

  "Je suis navrée chérie, je suis un petit peu brutale quand il s’agit d’ouvrir mes cadeaux."

  Se redressant légèrement, elle plaça un doigt sur le thorax de son amante, appuyant légèrement sur son chemisier avant de soudainement tirer vivement vers le bas, déchirant le tout au passage.

  "A nous deux ~"

  La suite - certains s’en doutent - fut intense, bien plus que les fois précédentes. Il faut dire que cette magie, que Nyx ne soupçonnait pas, avait une emprise forte et grandissante en elle. Et puis ce n’était pas comme si cela allait contre sa volonté, cela l’aidait juste à outrepasser les quelques limites qu’elle se gardait encore.

  Désormais, la ministre de la justice se retrouvait allongée sur le dos, au sol, fixant le plafond tout en haletant.

  "Je ne pensais pas que ta promotion aurait un effet aussi … intense."

  En effet, c’était rare pour Nyx de se retrouver dans l’incapacité de se contenir. Elle avait davantage l’habitude d’être celle à qui l’on cède. Pour elle, c’était une preuve importante qu’Haru était une personne spéciale. Certes elle prenait un malin plaisir à la taquiner parfois, mais il y avait ce petit quelque chose qui faisait qu’elle ne souhaitait pas avoir tout le temps le dessus, et ça ne venait pas juste de sa supériorité hiérarchique.

  "Tu es en train de me dire que tu ne fais pas assez d’efforts ?"

  Nyx tourna la tête vers son amante, répondant à son léger rire. Cette dernière semblait ne jamais en avoir assez puisqu’elle revint directement tripoter la ministre. Cela dit, Haru du Lys était désormais sa supérieur, donc elle ne pouvait pas contester quoique ce soit, elle était forcée de la laisser faire, franchement quel abus de pouvoir de sa part.

  "Si tu devenais la reine du royaume, ça voudrait dire que tu m’as fait faux bond. Je serais forcée de te faire disparaître. Ou alors je devrais utiliser ce bijou pour te donner des ordres jusqu’à t’en rendre dépendante au point de me supplier de continuer et prendrais le contrôle du royaume dans l’ombre."

  Malgré le fait qu’elle plaisantait, elle avait un air très sérieux, voire même légèrement menaçant. Ce serait facile pour une personne lambda de la prendre au sérieux, mais elle pensait bien qu’Haru verrait au travers sans grand soucis. Surtout que cela dénotait totalement avec le fait qu’elle se laissait caresser sans broncher, y prenant même au contraire un plaisir certain. Pour le coup elle n’y répondait même pas vraiment, se réservant égoïstement les attentions de son amante sans lui rendre. Mais vint alors le sujet plus sérieux de sa déclaration un peu plus tôt. Certes elle lui avait dit pour tempérer le petit tour qu’elle lui avait fait, mais ses mots n’étaient pas feints pour autant. Mais visiblement, la première ministre était restée bloquée dessus.

  "Si j’étais prévisible, je ne serais pas moi justement, tu ne penses pas ? Je ne pourrais plus t’embêter si tu pouvais si facilement savoir ce que j’allais dire ou faire."

  Sans crier gare, elle se tourna complètement vers son amante afin d’attraper la tête de cette dernière à deux mains et l’attirer à sa poitrine, l’enlaçant.

  "Ne t’inquiètes pas. Même après ta promotion et l’autorité que ça te donne sur presque tout le royaume, je ferais en sorte que tu ne prennes pas la grosse tête, que tu le veuilles ou non."

  Sur ces mots, elle lui déposa un baiser sur le sommet de la tête. Un acte infantilisant mais qui ne manquait cependant pas de tendresse. Avoir secrètement cette emprise sur sa supérieure avait ce petit quelque chose de grisant et d’excitant, ce sentiment d’avoir la possibilité d’abuser de sa confiance à tout moment mais sans jamais passer le pas. Au fond d’elle, il y avait cette petite pensée pour cette personne qui rêverait d’être à sa place pour nourrir de sombre desseins mais qui ne peut pas parce que la place est occupée.

  "Il faudra venir me le prendre de force. Mais ne t’inquiètes pas, je n’abuserai que de ma supérieure directe."

  A savoir, Haru. Enfin bon, ce n’était plus une surprise, depuis le temps, elle devait commencer à connaître la bête dans la grandes lignes. Nyx aussi de son côté commençait à bien connaître la première ministre. Ce petit baiser par exemple était plutôt prévisible, mais ça ne retirait rien au charme qu’il renfermait.

  Mais voilà qu’elle s’inquiétait encore sur leur relation. Enfin, l’était-elle vraiment ou était-ce une question rhétorique ? Dans tous les cas, non Nyx ne s’amuserait pas à le faire, ce n’est pas comme si ça lui apporterait quoique ce soit d’intéressant de jeter sa vie privée au visage de n’importe qui. Et puis son statut de ministre était déjà suffisant pour lui donner accès à un nombre non négligeable de passe droit, donc elle n’avait pas besoin de rajouter celui de sa supérieure à côté à tout bout de champ, ce ne serait qu’une vaine vantardise pouvant faire plus de mal que de bien.

  "A la base je pensais plutôt au couple royale mais c’est une possibilité. Et bien sûr que non je ne vais pas m’amuser à ébruiter tout ça. Si ça se savait, les petits jeunes arrêteraient d’approcher, pas envie qu’on me considère comme une vieille tout de suite, j’ai encore le temps."

  Oui bon d’accord ce n’était pas une réelle raison, mais elle n’allait pas nier non plus que c’était flatteur quand de très jeunes adultes venaient à son approche. Surtout qu’à cet âge là, généralement ça manque de subtilité, donc c’était facile de savoir ce qu’ils avaient derrière la tête. Cela dit, passé ce stade là, ce n’était pas très intéressant, mais les compliments étaient toujours bon à prendre, et elle était sûr qu’Haru devait avoir à peu près le même avis sur le sujet, peu importe ce qu’elle en dirait.

  "Mon père est un grand historien du royaume, et ma mère est une femme parfaite, comme toutes les mères. Et oui ma soeur est très douée, c’est grâce à elle que je me suis lancée dans le même genre de voie. Mais maintenant l’élève a dépassé le maître, je suis meilleure qu’elle en tout point, et puis elle est trop vieille pour toi, bat les pattes."

  Elle parlait de ses parents ? Voilà qui ressemblait à un engagement plus fort qu’une simple déclaration, généralement le pas juste au dessus c’était la rencontre. Cela dit, elle ne serait pas trop dépaysée. Il faut dire qu’à voir le visage de Nyx, on ne pouvait nier la ressemblance avec sa famille, c’était plutôt flagrant. Surtout avec sa sœur à vrai dire. A quelques années près, on pourrait presque les confondre.

  "La seule qui ait voulu de toi ? Pas très sympas pour ta pupille mais bon, je vais pas m’en plaindre, comme ça je n’ai pas besoin de te marquer au fer rouge ou surveiller chaque coin de rue."

  Bon en réalité elle avait toute confiance en Haru sur ce point. Ou plutôt, elle partait du principe que si elle trahissait sa confiance, elle ne le ferait qu’une seule et unique fois, nul besoin de s’en inquiéter en amont.

  "Et toi, parle moi un petit peu de ta famille. J’espère que tu as une petite soeur ou un petit frère."

  Chacun son tour, à la guerre comme à la guerre.